Chapitre VIII - L'arrivée au domaine (3/3).

La dernière étape avant d'atteindre leur but se dessine devant les yeux des jeunes amis, mais devant eux se tient une forêt mystérieuse qui leur barre la route.

HUBERT Titouan

1/29/20243 min read

          Luna et Achille furent réveillés par le cri d’une mouette. Ils étaient toujours à bord de la charrette que Balios avait conduite en dehors du bois. Le bruit des vagues et des oiseaux, l’air salin, la brise de vent frais et les rayons soleil caché par les nuages accompagnèrent leur réveil. Un panorama magnifique se dessina devant eux. Le domaine était composé d’une grande clairière isolée du monde. La forêt, grande de plusieurs hectares, s’étendait en un arc de cercle dont les deux extrémités se refermaient sur le littoral, une falaise qui s’élevait à une bonne dizaine de mètres au-dessus de la mer. Au loin, Achille et Luna pouvaient apercevoir la Manche s’étendre à perte de vue. Au centre de la clairière enclose entre la sylve et l’océan se tenait une magnifique bâtisse. Des lièvres parcouraient ça et là la clairière, accompagnés par quelques chevreuils. Achille crut même apercevoir une portée de tout petits sangliers se dandiner hâtivement derrière un buisson feuillu.

— C’est… absolument magnifique, finit par dire Luna.

— Oui. Aucun humain ne doit venir ici, les animaux n’ont pas à avoir peur des chasseurs.

          Le jardin présentait de clairs signes d’abandon prolongés. Du sol sortaient des statues de tous les styles, abîmées par le temps, certaines penchant dangereusement vers la terre, d’autres étant tout simplement affaissées dans les hautes herbes. Une grande fontaine, inactive depuis plus de temps qu’on ne l’aurait cru, s’était retrouvée convertie en abreuvoir pour oiseaux. Luna et Achille restèrent un instant à l’écart afin de pouvoir observer sans les effrayer les volatiles colorés qui buvaient à la fontaine. Un ballet d’oisillons et de spécimens rares survolait le jardin gracieusement. Ils sifflaient et chantaient des airs que mère nature réserve pour les grandes occasions.

          Le manoir était haut de plusieurs étages. Une tour percée de petites fenêtres à croisillons s’élevait face à la mer et une écurie se tenait non loin de la bâtisse principale. Une impressionnante masse de verdure avait poussé sur la maison, couverte de lierre de haut en bas, à l'exception des fenêtres qui restaient dégagées. Il semblait que la maison avait été agrandie aux fil des siècles. Vers l'ouest, la bâtisse se voyait dotée de trois grandes excroissances aux murs grossiers en pierre soutenus par des contreforts, percés de petites fenêtres comme on en voit parfois dans les vieux châteaux. La tour, elle, était plus fine dans sa conception, plus détaillée, mais montrait des signes d'ancienneté. Le bâtiment central qui composait la majeure partie du manoir, quant à lui, était manifestement récent, toutes proportions gardées. Cette partie du bâtiment était une véritable œuvre d'art architecturale, très richement décorée, et ce même de l'extérieur. On aurait cru voir un château allemand commandé par un prince riche et orgueilleux, à la différence près que l'architecture était typiquement normande avec ses murs à colombages. Le dessous des toits était supporté de poutres en bois saillantes incurvées en arc de cercle. De même, le bois de la charpente avait été décoré et arborait des motifs rupestres : fleurs, animaux, scènes de chasse mais aussi chevaliers étaient incrustés  dans les courbes de l'armature en chêne. 

— Heureusement que tu es accompagné, Achille. Je te vois difficilement t’occuper seul de cette maison. C’est un petit peu grand tout de même. Et le jardin fait très… naturel.

— Oui, c’est vrai. Je vais avoir beaucoup de désherbage à faire.

          Il regarda tout autour de lui.

— C’est magnifique, par contre je ne sais pas comment nous pourrons nous occuper de tout ça.

— Si tu t’inquiètes parce qu'il y a trop de pissenlits sauvages dans le jardin, je n’ose pas imaginer comment tu vas défendre le Rose, se moqua gentiment Luna. Pose-toi moins de questions, fais comme Philogène.

— Tu as raison, je vais penser comme lui, dit Achille en imitant le visage de Philogène d’une grimace. Je pense… commençait-il à dire d’une voix grave.

— Première erreur, le coupa son amie. Tu penses. Philogène ne penserait pas. Sois plus malin.

          Ils rirent ensemble de bon cœur puis se mirent à mimer les expressions et les gestes habituels du mastoc. Ils virent peu après Armand arriver vers eux à petites foulées.

Chapitre VIII - L'arrivée au domaine.