Chapitre IX - Les sentinelles des abîmes (1/3).

Achille découvre grâce (ou à cause) de sa maladresse des ruines enfouies sous la demeure et décide de s'y aventurer, seul.

HUBERT Titouan

2/6/20244 min read

          Ajax et Balios avaient décidé d’aller faire le tour de la clairière qui s’étendait autour de la maison. Armand avait expliqué que Philogène se promenait un peu plus dans la forêt, une nouvelle qui fut reçue avec lassitude par Luna :

— Il n’y en a vraiment pas un pour rattraper l’autre, dit-elle, exaspérée.
         
Les trois amis se dirigèrent vers la porte en chêne massif qui se tenait orgueilleusement devant eux. Un gros heurtoir en forme de lion les regardait d’un œil froid et métallique, comme s’il gardait l’entrée de la maison.

— Te fais pas mordre, Achille, ironisa Armand.

— Toujours le mot pour rire, celui-là, soupira Luna.
         
Achille voulut poser sa main sur la porte afin d’entrer, mais il réalisa qu’il ne voyait aucune poignée, ni aucun trou de serrure, ce qu’il fit remarquer à ses amis.

—Comment nous sommes censés entrer, alors ? s’interrogea Armand.

— Je ne pourrai pas crocheter s’il n’y a pas de serrure, prévint Luna.

— J’imagine que c’est pour ça qu’il n’y en a pas. Il doit exister un moyen spécial pour rentrer.

          Ils restèrent un bon quart d’heure à chercher un moyen d’ouvrir la porte, sans en trouver.

— Nous n’avons qu'à faire le tour de la maison et voir ce que nous trouvons, proposa Luna.

          Armand et Luna firent le tour de la bâtisse sans rien trouver de très intéressant. Il y avait bien deux autres portes dans la grande demeure, mais elles aussi manquaient de serrures. Chacune était affublée d’un heurtoir ; l’un en forme d’aigle, l’autre de bœuf. Ils en conclurent que les heurtoirs devaient être la clef pour rentrer dans la maison, mais ils perdirent leurs temps en vain à essayer de trouver comment les actionner. Ils décidèrent d’aller investiguer dans le jardin dans l'espoir d'y découvrir la moindre chose qui leur permettrait de pénétrer dans le manoir. Après un bon quart d'heure de recherches vaines ils commencèrent à douter qu'une clef ou un équivalent s'y trouvait.

— Je suis certain que nous avons la solution sous les yeux depuis le début, pesta Armand. C'est énervant ! pesta-t-il avec colère.

          Achille se dirigea vers l’arrière de la maison, en face de la mer. Des nuages sombres commençaient à poindre à l’horizon et le vent se levait. Le garçon alla se tenir en haut de la falaise. À une bonne dizaine de mètres plus bas s’étendait une petite crique en pierre gris sombre recouverte de mousse et d’algues. Il voulut y descendre, mais il aurait dû pour ce faire escalader la paroi rocheuse humide arrosée par les embruns. Il ne le tenterait pas, du moins pas aujourd’hui, d’autant plus que le littoral commençait à être assiégé par les vagues. Il se pencha tout de même au-dessus du vide pour admirer la vue et sentit un vertige l'enivrer, une envie étrange de sauter, comme si quelque chose lui intimait l’ordre de rejoindre le rivage quelques mètres plus bas.

          Il ne succomba pas à l’appel du vide et fit volte-face en un instant. Ironie du sort, en se retournant avec précipitation près du bord, son pied glissa sur un gros bout de bois posé là. Il entama une chute maladroite et poussa un grand cri. Achille réussit à se rattraper à une imperfection dans la falaise avec sa main gauche, mais il raviva la douleur de sa blessure à l’épaule. Il lâcha prise au bout d’une demi-seconde et descendit de quelques mètres en un rien de temps, attiré par le sol. Le garçon s’accrocha de nouveau à un relief dans la paroi, de la main droite cette fois ci, mais ne put maintenir sa prise à cause de son élan et finit sa course trois mètres plus bas. Il réussit à se réceptionner sur ses quatre membres, en retombant sur les pieds et les mains. L’atterrissage ne fut pas agréable mais il diminua les dégâts subis. Le bâton lui retomba sur la tête une seconde plus tard. Ses amis accoururent et se penchèrent vers lui du haut de la falaise.

— Achille ! Tout va bien ? cria Luna.

— Oui… Oui, ça va. Juste une mauvaise chute ! répondit-il en se massant l’épaule.

— Tu nous a fait peur… Attends, nous allons chercher quelque chose pour te remonter ! dit Armand du haut de la falaise.

— Non, ne vous en faites pas, j’arrive, rétorqua Achille. Je devrais pouvoir monter en longeant le littoral, dit-il en observant le paysage autour de lui en continuant de se masser l'épaule.

— Tu es sûr ? s’inquiéta Luna.

          Le vent soufflait de plus en plus fort. Quelques lointains éclairs se faisaient entendre.

— Oui ! Je vois un passage, là-bas ! affirma-t-il.

          C’était plus ou moins un mensonge, puisqu’il espérait trouver un passage, mais n’en voyait pas pour le moment.

— Continuez de chercher un moyen de rentrer dans la maison, je vous rejoins !

— D’accord ! cria Armand. Nous t’attendrons !

— Es-tu fou ? La marée monte, il risque de se noyer ! s’indigna Luna en donnant un coup dans l’épaule du garçon. Achille, ne bouge pas, nous allons chercher une corde ! Nous arrivons ! lui lança-t-elle.

          Puis elle disparut derrière la falaise avec Armand, laissant Achille seul. Ce dernier se releva puis vit non loin une sorte de faille. Peut-être pourrait-il grimper à la surface par le chasme ? Il s’approcha, intrigué. Ce n’était pas une faille assez grande pour remonter, elle n’atteignait pas le sommet. Non, c’était l’entrée d’une grotte sombre et humide, un trou béant de noirceur dans la falaise. Un sentiment d'étrangeté et de mystère s’empara du garçon. Un léger courant d'air froid s'engouffrait dans la cavité, comme si le vent montrait la voie à suivre à Achille. Il ne put résister à la tentation et entreprit d'explorer. Peut-être y trouverait-il quelque chose ? Il fit ses premiers pas, tremblant d'excitation, découvrant en lui une témérité qu'il ne se connaissait pas. La grotte lui lançait un défi. Il entra.

Chapitre IX- Les sentinelles des abîmes.